
Dernièrement, je faisais l'agréable découverte d'un roman,
"Été pourri à Melun Plage", de
Nicolas Duplessier, dont une bonne partie de l'intrigue se déroule à Melun.
J'étais assez curieuse, d'une part grâce à son titre qui a su me faire sourire, et d'autre part en raison du choix de cette ville de Melun.
Je suis née à Melun, j'habite juste à côté de cette ville, j'y ai fait une bonne partie de ma scolarité, et aujourd'hui encore je m'y rends régulièrement.
Bref, j'ai vu cette ville évoluer au fil des années, et la voir être le théâtre d'un roman, noir qui plus est, je n'ai pas longtemps résisté à la tentation.
Merci à
Nicolas Duplessier de m'avoir accordé un peu de son temps pour répondre à quelques questions. Ses réponses vous permettront de mieux cerner l'auteur et vous donneront peut-être l'envie de découvrir son roman.
Impossible de ne pas évoquer
ce titre accrocheur, "Été pourri à Melun Plage", qui
colle parfaitement au roman. D'où t'es venue cette idée ?
Notre rencontre et ta question m’ont donné envie de faire un saut dans le passé et de regarder les
premières versions de mon manuscrit, mes premières tentatives
d’écriture. Le titre que j’avais en tête, à cette époque
lointaine, n’avait rien à voir. L’ambiance n’était pas aussi
« pluvieuse » et l’intrigue se déroulait à ….
Paris. Super original… Je te parle d’une version du manuscrit en
2007 ou 2008. Je tâtonnais, affûtais mon écriture.
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"Quelque chose de pourri au royaume d'Angleterre", de Robin Cook |
J’ai eu un « déclic » en
regardant le film La Clef, dernier volet de la trilogie policière de
Guillaume Nicloux. Dans ce film, le personnage central, Guillaume
Canet est un petit bourge installé et suffisant, soudain confronté
au monde des truands. J’ai eu envie moi aussi de créer un
anti-héros se retrouvant mêlé à une histoire qui le dépasse, un
type pas vraiment armé pour lutter à armes égales avec un monde
inhospitalier. Cela faisait écho aux romans que je lisais. Quand je
me suis mis à lire sérieusement, j’ai démarré avec du Patricia
Cornwell, du Harlan Coben. Plus tard, j’ai mis un pied dans la
Série noire. Pour très vite y plonger à fond et découvrir des
auteurs Ellroy, Harry Crews, Jim Thompson, Chandler, Hammett, McBain,
Dantec, Cook… Une claque. Une ambiance. Une époque. C’est de là
que m’est venu l’amour du noir. En parallèle, je matais des
films noirs, des classiques du genre comme Double Indemnity de Billy
Wilder ou Laura d’Otto Preminger.
C’est tout ça qui a nourri mon
univers.
Pour revenir au titre, il m’est
venu après la lecture de « Quelque chose de pourri au
royaume d'Angleterre (A State Of Denmark) » de l’écrivain
britannique, Robin Cook, un roman noir bouleversant et
traumatisant. Pour toujours l'un de mes livres de chevet. Je
conseille vivement la lecture.
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"La clef", un film de Guillaume Nicloux (photo © SND) |
Loin de moi l’envie de
spoiler l’intrigue, mais y a-t-il un passage que tu as
particulièrement aimé écrire ?
Non pas un passage en particulier,
mais plutôt les dialogues d’une façon générale. Sans
hésitation.
J’ai une passion pour le cinéma
et, ce n’est pas un scoop, les dialogues y ont une place
importante.
La ville de Melun occupe une
place importante dans ton roman. Pourquoi ce choix ?
Je parlais des films de Nicloux.
Guillaume est originaire de Melun et ses films s’y déroulent bien
souvent. Je suis attaché à mes racines Melunaise et
Seine-et-marnaise, et l’idée de créer un roman noir dans un lieu
que je connais m’a tout de suite apparu excitante et motivante.
Dans le roman et le film noir,
l’environnement est composé d'éléments choisis pour leur
puissance expressive. Rien n’est laissé au hasard. Dans le film
noir, par exemple, Los Angeles apparaît comme une ville nocturne,
des entrepôts abandonnés, des quartiers dégradés par les grands
ensembles. C’est ce décor qui donne une critique plus virulente.
Los Angeles est LA ville du film noir. Le contraste avec le soleil
californien et le rêve américain, dont le crime se révèle dès
la nuit tombée, a inspiré plus d’un cinéaste et d’un écrivain.
J’ai eu envie de jouer avec cette notion de contraste. L’été,
mais la pluie, les barres d’HLM et cette proximité avec la forêt
de fontainebleau font de Melun un protagoniste essentiel de mon livre
et le cadre parfait pour un roman noir.
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Melun, ses immeubles (crédit photo : Tej CC BY SA 3.0) |
Comment as-tu composé tes
personnages ? Ton entourage ou ton vécu t'ont-ils inspiré ?
Plusieurs de mes amis, ayant lu le
manuscrit, m’ont reconnu dans certains traits de caractères de
Florian.
Florian s'inscrit dans la
tradition du héros cynique des polars américains des années 50-60,
portant un regard désabusé sur le monde. Je voulais un personnage
central sombre, au bord du précipice, qu’il fasse preuve
d’imperfections. Surtout, je voulais un personnage plus accessible
qu’un serial killer. Je voyais mon anti-héros comme une
personnalité complexe, attachante, sensible, vulnérable. C'est
d’ailleurs pour cette raison que j'ai opté pour un point de vue
interne. Le lecteur s'identifie ainsi au personnage en se mettant à
sa place et c'est plus facile pour lui de reconnaître des attitudes
justifiées par des failles qui sont à sa portée.
Comment s'est construite
l'intrigue de ton roman ? As-tu connu le syndrome de la page blanche
?
Au début de l’écriture, je
n’avais qu’une vague idée de l’histoire. Je savais juste
qu’une fille devait disparaître, par contre je savais exactement
comment je voulais la fin. J’avais des films en tête. 8mm de
Schumacher, Les Diaboliques de Clouzot, L'Homme qui voulait savoir de
George Sluizer ou encore Breakdown avec Kurt Russell.
J’ai ensuite construit mon livre
en ponctuant l’intrigue de tout un tas d’obstacles pour Florian.
Je n’ai pas vraiment connu le syndrome de la page blanche car j’ai
vraiment écrit en dilettante, quand j’en avais envie.
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Jean-Baptiste Lafarge
(photo © Martin Lagardère) |
On le ressent à travers ton
livre, mais aussi en consultant ton site internet, tu es passionné
de cinéma. Si "Été pourri à Melun Plage" devait être
adapté sur grand écran, quel acteur verrais-tu incarner Florian ?
Je suis de la génération Vidéo
Futur. Chaque week-end je me gavais de VHS et voulais, de façon
naïve, travailler dans le cinéma. J’ai toujours rêvé de devenir
réalisateur, de créer des films. A la fin des années 90, je
passais mes étés dans l'Yonne et retrouvais frères et cousins
pour créer des petits films inspirés du cinéma que nous aimions.
Des films de karaté, des films d'horreur à la mode slasher.
YouTube n’existait pas encore,
l’internet en était à ses balbutiements, nous diffusions sur les
rares sites dédié au cinéma amateur et étions tous certains que
nos films étaient géniaux.
Pour
incarner Florian, je pense à Guillaume Canet, mais il commence à se
faire un peu vieux pour le rôle. Si j’étais réalisateur et
devais monter un casting je proposerai le rôle à Jean-Baptiste
Lafarge (La Crème de la crème)
Comment est née cette envie
d'écrire, et pourquoi le roman noir ?
Guillaume Nicloux a dit une fois
qu’il s’était tourné vers l’écriture, avant de faire du
cinéma, car il voulait raconter des histoires et que cela coûtait moins cher d’écrire un livre que de réaliser un film. (Pas que
c’était plus facile) Cela fait écho à ma propre expérience.
Dans mon univers noir et pluvieux, de pouvoir, de manipulations, de
prostituées, de sexe cru et de drogues en tous genres, j’ai essayé
de brosser un portrait du monde d’aujourd’hui. J’aime le
Roman noir. C’est pour moi la forme littéraire et
romanesque la plus aboutie. Un outil formidable pour explorer
l'éventail des émotions humaines.
Dans quelles conditions
écris-tu ?
Dans le train, casque sur les
oreilles pour m’isoler du bruit. Je relis beaucoup
C’est à ce moment que la
musique joue un rôle essentiel dans le processus de création.
Te souviens-tu du premier livre
que tu as lu ?
Mon premier souvenir de lecture
plaisir. « Mon bel oranger » de José Mauro de
Vasconcelos. Un petit trésor d'émotions. Je devais avoir 13 ou 14
ans.
As-tu un personnage de fiction
préféré ?
Jack Taylor, le détective privé
de Ken Bruen ou Matt Scudder, le flic new-yorkais de Lawrence Block.
Un film ou un livre à nous
conseiller ?
Sans hésiter les livres de Paul
Colize ou encore Elisa Vix.
Après ce premier roman,
d'autres projets d'écriture ? Aimerais-tu t'essayer à un autre
genre ?
J’ai commencé l’écriture
d’un nouveau roman.
Moins noir.
Toujours avec ce côté
cinématographique et une intrigue solide. Deux histoires en
parallèle, l’une se déroulant en Seine-et-Marne aujourd’hui et
l’autre dans le Mexique du début des années 70.
L’écriture vient juste de
démarrer.
La route est encore longue.
Pour finir, un dernier mot
?
Merci d’avoir pris le temps de
lire mon roman et de m’avoir permis de m’exprimer sur ton blog.
Je ne le connaissais pas et viens
de l’ajouter dans ma liste de sites à suivre.
Quelques liens :